mardi 6 août 2013

"LO-FI"

 L'ESTHÉTIQUE « LO-FI »

La musique "Lo-fi" (ainsi nommé à partir de l'expression " low-fidelity", c'est-à-dire "basse fidélité") concerne des enregistrements sonores de plus faible qualité (selon la norme habituelle pour la musique mise sur le marché). L’expression est apparue à la fin des années ’80 aux États-Unis pour désigner certains groupes ou musiciens underground adoptant des méthodes d'enregistrement primitives dans le but de produire un son sale, volontairement opposé aux sonorités jugées aseptisées de certaines musiques populaires.

Les qualités des enregistrements lo-fi sont généralement obtenus soit par la dégradation de la qualité de l'audio enregistré, ou par l'utilisation de certains équipements.

L’utilisation plus récentes d’enregistreurs 4 pistes à cassettes, d’effets et encore plus récemment d’équipement vintage (recyclés) ont contribué à faire de la musique lo-fi un genre, une esthétique à part, et à part entière.

On rapporte que le terme « lo-fi » aurait été utilisé pour la première fois par l’animateur de radio au WFMU, le DJ William Berger qui a consacré un segment d'une demi-heure de son programme à ce genre musical inusité, auquel il donna alors le qualificatif de "lo-fi". Il y rapportait de la musique enregistrée surtout à la fin des années ’80.

Les racines de l’esthétique Lo-Fi peuvent être datées d'aussi loin que les tout premiers enregistrements réalisés jadis sur des cylindres - une technique mise au point par Edison - et utilisée entre 1900-1904 par Lionel Mapleson à partir d'une passerelle de 12 m au-dessus de la scène du Metropolitan Opera afin d’y capter la musique.

La qualité sonore de ces « Mapleson Cylindres » est très pauvre (d'autant plus qu'ils sont des artefacts "one-of-a-kind") mais dont la qualité esthétique, cependant, participe à l’atmosphère, le sentiment d’authenticité, la captation d'un événement, pris sur le fait.

Il y a une tradition de mélomanes concernant la musique classique qui est devenue une pratique bien ancrée. Certains adeptes de musique classique on développé un goût pour les enregistrements pirates, les enregistrements dit "purs", parfois en raison d’une interprétation peu commune livrée par un grand maestro ou des interprètes légendaires (Bruno Walter, Wilhelm Furtwängler, Toscanini, Rubinstein, Horowitz, Yves Nat, Maria Callas, Kathleen Ferrier, etc...). Cette pratique est à la base de l’engouement pour les enregistrements « live » (public).


Dans la même période historique, commercial, il se réalisera aussi plusieurs enregistrements "catch-as-catch-can" dans le domaine de la musique folk. Des enregistrements de musique folklorique (ou ethnique) ont été créés dans de nombreux pays du monde, parfois avec le seul souci d’archivage, et sont des enregistrements "bruts", qui ne sont pas destinés à convaincre par leur qualité ou leur production sonore.

On retrouve encore cette esthétique sonore dite "lo-fi" dans plusieurs enregistrements de blues de jazz et de folk américain... Parfois, cette qualité sonore procure une certaine magie aux enregistrements, et même cela fait partie de la signature de certains artistes, dont certains sont devenus célèbres comme Robert Johnson, John Lee Hooker, ou la diva Billie Holliday...

Tout de même, tous ces enregistrements (classique, folk, blues, jazz...) étaient souvent réalisés avec les meilleurs équipements de l’époque. Par exemple : un magnétophone à bobines Ampex quart-piste et deux micros Shure mis en "dual mono". Ces moyens techniques avaient les vertus de ses défauts...


Cependant, le terme de «lo-fi», n’est peut être pas le plus appropriés car les preneurs de son de l’époque utilisaient toujours le meilleur équipement disponible afin de capter et reproduire le son le plus fidèlement possible. Évidemment, il y a eut plusieurs avancées dans le domaine des technologies depuis cette belles époques pionnière, mais il faut comprendre que le "Hi-fi" d’alors est facilement considérés comme tout à fait brut, ou "basse fidélité", selon les normes d'aujourd'hui ; perçu comme étant de mauvaise qualité sonore si on compare aux prise de son d’aujourd’hui. C’est au milieudes années ’80 que le "lo-fi" devient une "esthétique", alors que les technologies analogiques passent aux technologies digitales.

C’est peut-être à Buddy Holly à qui l’on doit les premiers véritables enregistrements "garages" réalisés avec un équipement non-professionnel, sans production, sans de véritables arrangements non plus ; et effectivement produit dans un garage converti. Ces enregistrements inusités de Buddy Holly ont malheureusement subis des modifications et ont été overdubbed pour une sortie commerciale.


Le "home studio" dans le garage de Buddy Holly

Des enregistrements posthumes de Hank Williams ont également été overdubbed pour une sortie commerciale. Ceux-ci –pourraient aussi figurés pour être les premiers enregistrements "lo-fi". Mais à cette époque, il ne s’agissait pas encore d’un choix "délibéré"

Le son "lo-fi" est emblématique chez les musiciens rockabilly, et, des artistes comme Jerry Lee Lewis, Carl Perkin, Johnny Burnette, et bien d’autres ont, (sans doute délibérément), réalisés des enregistrements hors-studio, des "one take", qui, malgré leur faible qualité, expriment peut être avec plus d’authenticité et de véracité la saveur de cette musique, le côté rebelle, sauvage... Jerry Lee Lewis en a réalisé beaucoup, et plusieurs restèrent non publiés jusqu’à l’avènement du CD.

Il faut bien comprendre la différence entre le "lo-fi délibéré" (intentionnel) et le "lo-fi nonobstant" qui est non-intentionnel et existe par pauvreté de moyens ; on peut alors parler d'enregistrements "lo-budget", concernant ces derniers.

Certains prétendent que c’est Bob Dylan qui est le premier à avoir publié délibérément des enregistrements "lo-fi" en 1975 avec ses « The Basement Tapes », démos de 1967 ; et à avoir rejoint le grand public, et à avoir amené le son "lo-fi" dans le domaine de la pop. Cela est absolument faut !

Bob Dylan a été profondément inspiré par les vieux enregistrements « folk-blues ».

Du reste, on peut aussi citer les enregistrements "bruts" du plasticien Jean Dubuffet, réalisés dans les années '60 et 70 ; des morceaux d'improvisation de compositions vocales et instrumentales avec bandes magnétiques, le tout capter sans tenir compte de la qualité sonore et des moyens techniques.

Enfin, il apparait que la palme du premier album véritablement, délibérément "lo-fi" revient au « Million Dollar Quartet », (qu’elle ironie!) formé d’Elvis Presley, Jerry Lee Lewis, Johnny Cash et Carl Perkins, qui ont convaincu Sun Record de publier des enregistrements "one take". Ce fut le premier album "pop", délibérément "lo-fi".


Par contre, à cette époque, le grand maître incontestable du son Lo-Fi est sans nul doute Hasil Adkins, pionnier de la musique psychobilly.


Hasil Adkins a inspiré plusieurs musiciens avec ses enregistrements de piètre qualité, mais ce son unique, "lo-fi", est devenu peu à peu une référence pour les adeptes de rockabilly. Cette esthétique sonore singulière, à l’époque plutôt considéré pour être du "dirty sounds" a été l’affaire de ce rockabilly inconvenant.


Cette esthétique lo-fi, particulière, est aussi un élément que l’on retrouve chez les adeptes de musique surf et qui contribuera beaucoup à l’avènement de la "psychobilly" et de la musique dite "garage". Entre autre, Link Wray produisit plusieurs enregistrement "lo-fi", et même établit "un son", un style, absolument "rockabilly-surf-garage".

Le son lo-fi, en tant qu’esthétique "préméditée", fut aussi la signature de certains groupes du middle-east américains. Il faut certainement faire référence à la vague d’enregistrements "garages" qui fait suite à la fièvre du rock’n’roll. Au départ, plusieurs enregistrements de musique "rockabilly" était réalisés avec les moyens du bord, comme on dit. Ces enregistrements, pour la plupart, n’était pas vraiment destinés à une large diffusion. C’était là pour la plupart des productions locales, des réalisations "home made". On pourrait rattacher ce genre à celui du "Do It Yourself" (DIY).

Il faut très certainement avouer que le goût pour ce « son » vient d’un attachement aux vieux enregistrements de musique blues, jazz, et aussi de country... C’est le son que plusieurs musiciens recherchaient encore au détriment des innovations dans les domaines de la prise de son.


Plusieurs groupes qui verront le jour après le "phénomène Beatles", enregistrerons des albums sans recourir à des studios d’enregistrements et des maisons de production. 

Si les Beatles eurent la faveur du public, en ayant recours à de nombreux moyens de marketing et à un son produit par les meilleurs producteurs, dans les meilleurs studios de l’époque, à côté d’eux, le groupe emblématique du son « lo-fi » est : The Sonics.


The Sonics, avec son énergie sauvage et ses guitares saturées, devient un son de référence. Mais cela bien malgré eux... The Sonics ne voulaient pas "délibérément" avoir un son "lo-fi".

Par contre, c’est presque aussitôt, à la même époque, que des albums "délibérément lo-fi", vont être enfin diffusés, et que ce son sera une esthétique à part entière.

L’idée revient sans aucun doute, au départ, à Andy Warhol ; qui présentera un univers sonores ou une pièce musicale comme étant, ni plus ni moins, une sorte de "ready-made". Proche aussi de "l’art brut".


Andy a réaliser toutes sortes d'enregistrements, des photos et des films, dans la gamme du "lo-fi". On peut le considérer comme le tout premier à avoir intentionnellement adopté cette esthétique.


Cela dit, Andy Warhol produira toutes sortes d’enregistrements à l’aide d’un petit magnétophone à cassette. Les premiers enregistrements du Velvet Underground ont été réalisés de cette manière, par Andy lui-même. 


Cette fois, pas de doute : les premiers albums du Velvet Underground sont bel et bien des enregistrements "intentionnellement lo-fi".

Sans aucun doute les premiers enregistrements du Velvet, ainsi que ceux des the Stooges (produit par John Cale), sont des exemples d’enregistrements, à l’état "brut", et absolument de catégorie "lo-fi", et cette esthétique particulière était intentionnelle.

Dans les mêmes années entre la production de ce nouveau genre "rebelle" et la sortie officielle d’enregistrements "live", assez bien diffusés quand même, il y a aussi un marché de plus en plus grandissant du côté des enregistrements bootlegs, où encore une fois la mauvaise qualité sonore au lieu d’être un obstacle ajoute à l’authenticité.

D’ailleurs, vers les années ‘90, les compagnies de disques comprendrons bien qu’il y a un marché pour ces enregistrements de mauvaise qualité, et il y aura une vague de "ré-éditions", de versions "originales", de "bloopers", de travail à l'improviste, inédits, etc... (Moins cher que d’enregistrer de nouveaux artistes à grands frais).

Donc, des artistes lo-fi enregistreront sur de l’équipement désuet ou de basse qualité, sous prétexte de nécessité financière, mais aussi, parfois en raison de l'esthétique unique de ce la sonorité "lo-fi".


La croissance de l’esthétique lo-fi a coïncidé avec la croissance d’idées anti-commerciales. C’est aussi une révolte à plusieurs points de vue, s’attaquant, entre autre à l’industrie de la musique mais aussi, à la manipulation exercé par les médias et envers aussi le système capitaliste.

L’esthétique Lo-fi peut donc être vue comme un contre- mouvement, s’attaquant à la structure du système et qui n’est pas sans liens, donc, avec des idées politiques. Entre autre, le "lo-fi" est une esthétique privilégiés par les anarchistes. En somme, le son "lo-fi" devient la voix de ceux qui sont désabusés des politiques et du système, et dégoûtés de la musique commerciale. De fait, ce sera la voie empruntée par les musiciens punks.

Parmi les pionniers de cette esthétique, il faut citer les œuvres uniques, inusités et incontournables du "popster" R. Stevie Moore et du groupe sans comparaison, the Residents. 

The Residents est un collectif d'artistes américain formé en 1972. Plusieurs albums des the Residents comportent de réinterprétations, passablement déconstruites ou transposées dans d'autres systèmes d'accords ou de tempérament, souvent des morceaux du répertoire musical traditionnel ou commercial. Il s’agit toujours d’extraits d’archives, donc nécessairement "lo-fi".

La plupart des albums de the Residents ont délibérément opté pour un esthétique "lo-fi". The Residents est le premier groupe qui réalisera des enregistrements en faisant de l’esthétique "lo-fi" un élément important et même indispensable à la création.


L’album « Meet The Residents » (1975) commence avec une citation vocale et quasi-méconnaissable de la chanson à succès composée par Lee Hazelwood pour Nancy Sinatra « These Boots are Made for Walking » et poursuit le processus de déconstruction de la chanson populaire avec un genre de karaoke et scratch sur platine du succès « Nobody but me ». L’expérience se poursuit encore plus intensément avec l’album « The Third Reich 'n' Roll », sorti en 1976...

Paru en 1978 le single « The Beatles play the Residents and the Residents play the Beatles » contient un morceau uniquement produit à partir de découpages de chansons des Beatles.

De son côté, dès 1976 le musicien multi-instrumentiste R. Stevie Moore commence à réaliser des enregistrements home-made absolument savoureux et qui

Le premier album de R. Stevie Moore « Phonography », créé en 1976, compte aussi parmi les premiers bricolages lo-fi.


Moore et the Residents sont les pionniers de ce genre. Ils sont les premiers musiciens qui parviennent à faire de l’esthétique « lo-fi », non pas un défaut de qualité mais plutôt un aspect nécessaire des créations musicales.

Dans le livre biographique de Monte A. Melnick, « On the Road with the Ramones », le producteur Thomas Erdelyi considère le premier disque du groupe pour être un «grand album lo-fi".


Les groupes Metal Urbains et Suicide ont aussi réalisés des albums considérés comme des classiques lo-fi...


L’album « L’Âge d’Or » de Metal Urbain est pratiquement un "album culte", sinon c’est l’un des plus incontournables du genre, un chef-d’œuvre exquis absolument "lo-fi". Une référence. Même chose pour le premier album du groupe Suicide, un autre album légendaire.


Années 1980...


En tant que terme pour décrire un genre musical, le qualificatif "lo-fi" est principalement associée à des enregistrements à partir des années ’80. D’autant plus présente lorsque la technologie multipistes fut rendu possible grâce sur des magnétophones à cassette comme le Tascam quatre pistes "Portastudio". Ces petits studios portatifs devenus largement disponibles permettrons à de nombreux musiciens de s’auto produire... Mais leur but n’est sans doute pas d’obtenir un mauvais son... On parle donc d’une qualité lo-fi, mais ces enregistrements sont d’abord et avant tout à classer dans la vague du "DIY" ("Do It Yourself").

Parmi les humbles musiciens, peu connu mais ayant été parmi les véritables pionniers du mouvement DIY et de l’esthétique Lo-Fi est l’artiste Daniel Johnston. Un des artistes les plus représentatifs et authentiques de cette esthétique singulière.


On peut sans doute considérer plusieurs groupe de la vague "punk" pour avoir réalisé des enregistrements volontairement "lo-fi". On le retrouve chez de nombreux groupes, avec encore plus d’emphase chez les groupes décidément anarchistes, comme Crass, DRI, Exploited...

Encore une fois, la mauvaise qualité sonore peu parfois devenir une marque de commerce, une manière de faire, et c’est le cas pour des groupes comme the Ex, Young Marble Giants, Flux of Pink Indians...

L’exemple ultime de la punk "lo-fi" est l’album compilation : « Bullshit Detector ».


Du côté des musiciens célèbres de la pop, en 1982 on verra Bruce Springsteen s'inspiré de l’esthétique lo-fi pour son album « Nebraska ». 

Une autre avenue qu’empruntera l’esthétique lo-fi autour de cette période, est celle de la musique dite "noise/industrielle" : Throbbing Gristle avec leur album « United », plusieurs enregistrements de Psychic TV, Thomas Leer avec « Private Plane », Einstürzende Neubaüten « Kollaps »... Plusieurs enregistrements de groupe dédiés à la noise music comme the Haters, QRN, Last Few Days, Dada vrac Vacarme, Caca flac Cascade, Merzbow, SPK, Club Moral, Zoviet France, the Sodalty, Tibetan Red, Blind Hunters, Hertz Hybrides, Fuoko, Meer Staal, etc... Étant donné les moyens techniques utilisés pour réaliser leurs enregistrements, la majorité de ces groupes sont forcément "Lo-fi". 

Même phénomène du côté de la no wave ou de la musique techno industrielle, par exemple chez 39 Clocks, DAF, Bourbonese Qualk, Cabaret Voltaire (à leurs débuts), sont plus que délibérément "lo-fi", mais aussi "lo-budget" et se veulent "anti musique" commerciale, donc "anti-norme", etc... Ce qui classent aussi ces groupes dans le genre "no wave".

Rockabilly junk...

Du côté du rockabilly, en Arizona la tradition "lo-fi" est profondément ancrée. On y retrouve un style Lo-Fi très particulier, fortement inspiré de la country-rockabilly, et très redevable à l’attitude désabusée d’un Hasil Adkins.

Une véritable tradition "lo-fi" s’établit d’abord avec les légendaires Doo Rag, puis ensuite les Mondo Guano, et enfin, Bob Log III... Bob Log a été membre de Doo Rag et de Mondo Guano. Il est a l'origine d'un style très particulier, très "local", inspiré directement de Hasil Adkins et de la "dirty rokabilly". Une sonorité très "south-west", très en rapport avec l'esprit qui se dégage dans l'underground - plus particulièrement en Arizona. Les enregistrements de Doo Rag, Mondo Guano et Bob Log III sont franchement "lo budget", absolument "lo-fi" et sont une des nombreuses manifestations du mouvement DIY.


Beaucoup d'artistes associés au mouvement lo-fi, en Arizona, comme Bill Callahan, Mick Star, Marco Polo, Pork Torta, ou Bob Log III, ont rejeté catégoriquement l'utilisation de matériel d'enregistrement de qualité, en essayant de garder leur son brut. Bob Log s’inspire directement des enregistrements d’Hasil Adkins.

Le genre "garage lo-fi" atteint son apogée avec the Mummies. Inspiré encore Hasil Adkins, des Sonics, et des Stooges. Les the Mummies propose une parfaite osmose entre rock’n’roll acide, garage rock, psychobilly, et punkitude disjonctée... the Mummies considèrent qu'ils sont du domaine du "lo-budget".


Enfin, si dans les années ’80 l’esthétique lo-fi se voulait inconvenante, dérangeante et anti-commerciale, à partir des années ’90, et encore plus au tournant du 3ème millénaire, ce son est devenu plutôt une référence. C’est devenu une question de goût. Et même, une manière de s’associer aux artistes insoumis de l’avant-garde... Dorénavant, l’esthétique lo-fi est de bon goût, c’est devenu un "must". Or, on verra de plus en plus d’artistes exploiter le filon.

Entre autre, les groupes se réclamant du Lo-Fi se sont rapidement imposés en tant qu'instigateurs d'un des mouvements majeurs de la scène indépendante américaine de cette époque.

À la tête de ce mouvement, Pavement, Sebadoh et Guided by Voices développèrent un genre musical caractérisé par des compositions mélodiques, bien que fortement imprégnées de sonorités expérimentales souvent dissonantes et cacophoniques, ou simplement induites par la piètre qualité des enregistrements. D'où l'utilisation du terme Lo-Fi.

Ce fut d'une certaine manière le mouvement grunge qui révéla l'esthétique lo-fi, et suscita par la suite un bon nombre d'adeptes.

C'est donc en défendant les valeurs qui avaient caractérisé les vagues punk et hardcore des années ‘80, c'est-à-dire l'indépendance face aux grandes compagnies de disques (les majors) et l'auto-promotion de la scène locale et nationale par des moyens alternatifs, que le Lo-Fi se démarqua du lot. 

Attitude qui se reflétait dans le caractère amateur, ou garage, de la réalisation des albums lo-fi : l'idée que la qualité douteuse de l'enregistrement contribuait à l'impact artistique de l'œuvre était alors devenue la règle parmi les groupes du genre.

Quelques années plus tard, le Lo-Fi fit son apparition dans les réseaux de production et de distribution traditionnels avec des artistes majeurs comme Beck (« Mellow Gold ») et Liz Phair (« Exile in Guyville »), qui contribuèrent à populariser l'utilisation d'appareils 4-pistes ou autres dans la réalisation des albums.

La plupart des artistes indie-rock doivent aujourd'hui une large part d'influence aux différents groupes Lo-fi des années 1990 et l'on est en mesure d'entendre cette marque chez plusieurs groupes de la toute récente vague garage/new wave/punk (the Strokes, White Stripes, The Kills, The Unicorns).

À partir des années ’90, le lo-fi trouvera un large public, et on retrouvera cette esthétique chez : Aphex Twin, Beck , Blur, Enrico Curreri, Sebadoh, Guided by Voices, Smog, Spookey Ruben, Mercury Rev, Sparklehorse, Pavement, Modest Mouse, Neutral Milk Hôtel, Operation Ivy, Liz Phair, Will Oldham, Yo La Tengo, Jon Spencer Blues Explosion, Ween, Elliott Smith, David Kilgour et ensuite, cette tendance se poursuit avec les musiciens et groupes dits de la vague "indie" (musique indépendante), avec The Apples in Stereo, Dr. Chien, Le Tremor Control Olivia, Elf Power, Beulah, Of Montreal, Mike Rifone, Sufjan Stevens, Iron & Wine, The Shins et Boards of Canada.

Par contre, si on peu parler de l’utilisation ou de l’intégration de l’esthétique lo-fi chez ces musiciens, on ne peut pas parler ici de musique résolument lo-fi. Les musiciens qui sont carrément lo-fi sont assez rares... Parmi les plus téméraires, on compte Bob Log III, Bill Callahan, Daniel Johnston ou Mick Star ; et parmi les plus nouveaux et innovateurs dans ce genre, il faut nommer, sans nul doute Dirty Beaches (en fait nom de scène de scène du musicien Alex Zhang Hungtai).


Du côté du black metal, il y a aussi certains groupes qui ont embrassé l'idée de la lo-fi, surtout vers la fin des années ‘80 et au début des années 1990. Cela coïncide avec l’idée de s’efforcer de se distancer et de se différencier de la musique pop. La plupart des groupes ont enregistré leurs albums sur des équipements non-professionnels, dans des home-studio ou des studios à petits budget.

Le premier groupe black metal ayant adopté l’esthétique lo-fi, dans les années 1980, est Venom. L'idée de Venom d'enregistrer en lo-fi des albums fut reprise lors des années 1990 par la grande majorité des groupes de black metal comme par exemple Mayhem. Ceux-ci recherchent une saleté qui doit retranscrire ce que leur musique signifie. On parle aussi de raw.


Le meilleur exemple de "lo-fi intentionnel" est illustré par le groupe de black metal Darkthrone, d’abord sur leur album « Transilvanian Hunger ». La quasi-totalité de leurs albums ont une qualité sonore intentionnellement "lo-fi".


En fait, le groupe a commencé par produire des albums tout à fait clean, avec un son propre, avec production studio impeccable pour se tourner tout à coup vers un son de plus en plus "brut" et capter à la manière d’un "live". Le band considéré pour être "death metal" a procéder à une métamorphose complète en adoptant l’esthétique lo-fi et leur enregistrement de faible qualité sont vite devenu un son de référence dans le domaine de la musique black metal ou même chez le goth-metal.

Varg Vikernes du groupe black metal Burzum a également décidé d’utiliser délibérément des techniques d'enregistrement "lo-fi" pour la réalisation de leurs albums. Pour l'album « Filosofem », Varg a dit avoir délibérément demandé à un magasin local pour le microphone le moins cher qu'ils avaient, et ils lui ont vendu un casque d’écoute, qu'il a utilisé pour enregistrer des voix sur l'album. Pour la guitare, il a dit avoir utilisé une pédale distorsion branchée à un récepteur stéréo, ce qui produit en fait ce ton particulier de la guitare bourdonnante, cette particulière sonorité floue qu’on retrouvera sur tout l'album.


On trouve aussi actuellement un nombre considérable de groupes de black metal s'enregistrant en lo-fi. Cela dit, le terme "brut" est généralement préférable à celui de "lo-fi" chez les adeptes de black metal.

Actuellement, il ya une proportion de plus en plus large de groupes lo-fi dans (surtout aux États-Unis et au Canada), à la base du mouvement "indie", c'est-à-dire de musiques "indépendantes". parmi eux des groupes et musiciens de réputations notables incluant : Two Gallants, Bark Bark Disco, Chaoticum, Wavves, No Age, Times New Viking, Rogue Wave, Best Coast, Ty Segall, Gonjasufi, Ghosts of Pasha, Vivian Girls, Señora Lola, Les écharpes, anciens fantômes, Zola Jesus, Sweet Slumber Party Valley, Emily Reo et verre Graves.

On pourrait aussi parler d’une "esthétique lo-fi" dans le domaine des musiques électroniques, ou "techno", et plus récemment de "Lo-Fi Numérique"...

L’esthétique lo-fi peut également se rapporté à la techno réalisées avec des instruments désuets, des synthés bas de gamme, ou avec de l’équipement de basse fidélité, des ordinateurs 8-bits, du "circuit bending", etc... À ce sujet on peut consulter les albums compilations archives, "New Wave Complex" (en 16 volumes), qui donne un apperçu assez complet des enregistrements "lo-fi" ou "lo-budget" réalisés en ce domaine dans les années '80, '90...


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