mercredi 6 mars 2013

LE "KRAÜTROCK"


Le "kraütrock" est un genre musical apparu à la fin des années 1960, essentiellement représenté par des groupes originaires d'Allemagne de l'Ouest. Il est souvent considéré comme un sous-genre du rock progressif, à l'instar de la zeuhl en France par exemple. 

Si le style n'a connu de succès qu'en Allemagne à l'époque, mis à part pour Tangerine Dream et Kraftwerk, il connaît un regain d'intérêt dans les années 1980, alors que l'apogée du style se situait au milieu des années 1970. Très orienté vers la musique électronique, le krautrock sera l'une des principales influences de l'ambient, du post-rock ou encore du New Age.

Origine du nom 


Le terme "krautrock" (littéralement "rock [du] chou") est une référence au "sauerkraüt", plus connu sous le nom de "choucroute" en France et plat typiquement allemand. 

Également, il est possible de faire un rapprochement avec le terme "kraüts", utilisé pendant la Seconde Guerre mondiale par les soldats anglais pour désigner péjorativement les soldats allemands. Mais si la presse rock anglaise et internationale a désigné par "krautrock" les groupes allemands apparus au début des années 1970, c'est surtout par référence au morceau du groupe Amon Düül I titré « Mama Düül und Ihre Sauerkrautband Spielt Auf » (Maman Duul et son groupe choucroute se lancent). 

Le terme a essentiellement été utilisé par les anglophones. En France, dans les années 1970, il était plutôt question de "rock allemand" et en Allemagne de "kosmische musik" (musique cosmique). Avec l'émergence, vers le milieu des années 1990, d'une jeune scène rock allemande inspirée par ses aînés, le krautrock réapparait, mis en lumière par une série documentaire diffusée sur la WDR ("Kraut und Rueben"), de compilations ou encore d'un festival à Bonn. 

Petite Histoire...

Dès 1967, l'Allemagne découvre le rock et en fait un idiome particulier qu'elle s'approprie. L'année suivante, le mouvement psychédélique est déjà bien installé, qui, mêlé au pop art, va durablement influencer la scène musicale underground allemande de l'époque. 

À cet idéal de liberté, renforcé notamment par les émeutes de Berlin en 1968 et les différents mouvements étudiants, va s'ajouter la volonté des jeunes musiciens d'éradiquer un passé considéré comme honteux, celui du Troisième Reich. 

Cette volonté trouve alors son origine musicale dans l'œuvre "Hymnen", composée en 1966 par Karlheinz Stockhausen, dans laquelle différents hymnes, dont l'hymne allemand, sont déformés sur fond de musique électronique. Les jeunes groupes allemands s'approprient alors l'œuvre de Stockhausen, ainsi que les compositions d'artistes de musique répétitive ou contemporaine, telles que celles de Steve Reich ou de Philip Glass. 

Le mouvement krautrock est tout d'abord incarné par le musicien berlinois Klaus Schulze.

Dès 1967, il fonde Psy Free, groupe de rock psychédélique, avant de rejoindre Tangerine Dream en tant que batteur en 1969. Deux ans plus tard, il fonde Ash Ra Tempel, avant de partir dans une carrière solo, qui commencera avec l'album Irrlicht, considéré comme un classique du genre. Il sera l'une des principales influences des groupes de krautrock, en plaçant au premier plan l'utilisation du synthétiseur, des montages électroniques et autres collages sonores, marque de fabrique du style. 

À Cologne, Can, fondé en 1968, rejette toutes les influences du rock américain de l'époque et élabore sa propre musique, très influencé par Stockhausen et très expérimental. Le groupe reste à l'heure actuelle l'un des plus importants de la scène krautrock. 

Après Klaus Schulze et Can, le mouvement commence à attirer de nombreux musiciens en Allemagne de l'Ouest. 

À Cologne, Floh de Cologne propose dès 1969 un krautrocksimple mais furieusement contestataire, suivie bientôt de Neu!, groupe qui inspirera les Sex Pistols, ainsi que bon nombre de groupes punks. 

En 1970, à Düsseldorf, naît Kraftwerk, dont les musiciens de Neu! sont issus, que l'on considère généralement comme le pionner de la musique électronique et du rock industriel. En compagnie de Tangerine Dream, ils restent les deux formations à avoir eu réellement un important succès, malgré la présence de très nombreuses formations tels que Popol Vuh, Cluster, Faust, Guru Guru, Amon Düül II. 

En Allemagne de l'Ouest, les producteurs et artistes Dieter Dierks, Conny Plank et Rolf-Ulrich Kaiser sont les premiers à s'intéresser de près à ces nouveaux groupes et à les promouvoir. Kaiser fondera en particulier le label Die Kosmischen Kuriere, uniquement destiné aux groupes de krautrock, et formera, pour le faire connaître, le supergroupe Cosmic Jokers. 

Si les groupes les plus connus arrivent à se faire connaître en dehors d'Allemagne dès les années 1970, il faudra attendre pour la plupart d'entre eux les années 1980, voir les années 1990, pour qu'ils réussissent à se faire connaître en Europe, alors que l'apogée du style était passé. Les principaux représentants de ce style continuent de tourner au début du xxie siècle, mais aucun nouveau groupe de krautrock n'a été créé depuis les années 1970. Ce style a été une importante source d'inspiration pour de nombreux genres et artistes de rock par la suite. 

Caractéristiques...



Le krautrock est un style très éclectique. Néanmoins, il peut être considéré comme un mélange de musique rock, surtout les rock progressif et psychédélique anglais, de musique classique ou contemporaine allemande, des nouvelles idées expérimentales venant du jazz ou des groupes de rock des années 1960. Le style profite également des progrès technologiques avec les synthétiseurs. 

Si la structure des groupes ressemble à celle des groupes anglais, le (ou les) claviériste(s) occupe(nt) une place plus importante que chez ces derniers. Il en résulte alors des sonorités très proches de la musique électronique, accentuées en général par l'utilisation d'équipement de synthèse sonore, d'orgue numérique ou encore de l'overdub, permettant de superposer différents enregistrements. L'improvisation occupe également une place importante, à l'instar des groupes de rock progressif. Enfin, certains groupes, tels que Neu! ,Can ou Faust, expérimentent les rythmiques hypnotiques. C'est alors le motorik, qui préfigure ainsi le post-rock. 

Au-delà de l'aspect musical, le krautrock possède un patrimoine culturel fort, souvent contestataire, passant alors par l'engagement politique des artistes. Ainsi Amon Düül II est issue de la scission d'Amon Düül, groupe représentant l'expression collective d'une communauté anarchiste, qui se veut avant tout véhicule d'idées avant-gardistes philosophiques et politiques. Floh de Cologne se distingue comme un groupe anti-fasciste de par ses textes et ses pochettes (par exemple l'artwork de Geyer Symphonie (1974), représentant un aigle, symbole du Troisième Reich, en train de mourir). 

La frange la plus "planante", représentée par Tangerine Dream, Klaus Schulze ou Ash Ra Tempel, cite Pink Floyd comme principale influence, en particulier l'album « A Saucerful of Secrets », sorti en 1968. 

Certains groupes anglo-saxons de rock progressif, comme Yes ou King Crimson, influencent également une petite partie de la scène krautrock, tel que le groupe Eloy. 

Outre les groupes de progressif, mais dans une moindre mesure, des artistes tels que Jimi Hendrix, Cream ou The Yardbirds, sont régulièrement cités, surtout pour le fort penchant à l'improvisation de ces derniers. 

On retrouve aussi une forte influence de la musique contemporaine, dont le compositeur allemand Karlheinz Stockhausen notamment pour le groupe Can dont le bassiste en fut l'élève, de la musique bruitiste (Luigi Russolo), répétitive (Steve Reich) ou concrète (Pierre Schaeffer). 

En revanche, si le krautrock demeure influencé par le rock et les musiques contemporaines au niveau des sonorités, il se rapproche de la structure du free-jazz dans l'écriture des compositions. Des groupes, tel que Can, citent Ornette Coleman et Albert Ayler parmi leurs influences. 

Au niveau idéologique, le krautrock a été très influencé par les principaux mouvements artistiques ou politiques des années 1950 et 1960 : le mouvement Flower Power, le mouvement Fluxus, les différents mouvements étudiants et contestataires de la fin des années 1960 et dans une moindre mesure le dadaïsme. 

Influences du kraütrock...

Le krautrock a tout d'abord été une influence importante dans le développement du post-punk, en particulier les groupes The Fall et This Heat, au début des années 1980. Vers la fin des années 1990, grâce au retour de la musique électronique et à la redécouverte des groupes allemands du style, le krautrock a influencé de nombreuses formations, telles que Stereolab, The Mars Volta, Deerhunter, Wilco, Laika, Mouse on Mars, Tortoise ou encore Fujiya & Miyagi, à l'origine du post-rock. 

Le groupe Radiohead a effectué une reprise de Thief, chanson de Can, et cite, outre ce dernier, Neu! et Faust parmi ses influences, de même que des artistes comme Julian Cope, ayant d'ailleurs écrit un ouvrage consacré au krautrock, Sand, The Legendary Pink Dots ou encore le groupe de rock progressif Porcupine Tree. 

Enfin, la nouvelle vague de la musique électronique des années 1990, mené par Autechre, Dead Voices On Air et Khan, emprunte souvent au répertoire des groupes de krautrock, notamment Tangerine Dream et Kraftwerk. 

Depuis 2011 le krautrock est de nouveau à l'honneur avec Elektronische Staubband, le tout nouveau projet de Yann Tiersen, associés aux musiciens Lionel Laquerrière et Thomas Poli. Le projet a consisté en 2011 à reprendre les 2 derniers albums de Y. Tiersen pour les remixer avec une quantité de synthés. Quelques dates en 2011 puis 2012 (Route du Rock hiver)… un projet d'enregistrement d'un nouvel album sur 2012 est à l'étude… (source RdR & Canal B : interview ES) 

Le Kraütrock est encore associé à la musique planante,  à la "kosmische musik", au rock-fusion, au rock progressif, au rock allemand, au "motorik", etc...

Ce genre a marqué des groupes de tous les styles, et surtout la vague post-punk, industrielle, noise expérimental...

Principaux groupes ou artistes :
(Vous pouvez accéder au échantillons sonores des groupes en cliquant sur leurs noms)


- Amon Düül
- Ash Ra Tempel
- Asmus Tietchens
- Ax Genrich
- Grobschnitt 
- Gunther Schikert
- Jane
- Klaus Schulze (electro-kraut)
- Klaus Dinger
- Kluster
- Kraftwerk
- Manuel Göttsching
- Moebius, Dieter
- Nazgul, the
- Neu!
- Triumvirat


Film-Documentaire
"KRAÜTROCK" - THE REBIRTH OF GERMANY
(film complet, en anglais)


Documentaire qui se penche sur la façon dont une génération de radicaux de musiciens a créé une nouvelle identité musicale allemande sur les ruines culturelles de la guerre.

Entre 1968 et 1977, des groupes comme Neu!, Can, Faust et Kraftwerk se regarder au-delà de roche de l'Ouest et rouleau pour fabriquer une partie de la musique la plus originale et sans concession jamais entendu parler. Ils ont partagé un objectif commun - un désir tourné vers l'avenir de transcender passé horrible de l'Allemagne - mais cela n'a pas empêché la presse musicale en temps de guerre obsédé par la Grande-Bretagne de les convoquer Krautrock.

Musique du Film-Documentaire :

1. Popol Vuh - Aguirre I L'acrime de Rey
2. Jimi Hendrix - All Along the Watchtower
3. Richard Wagner - Musique funèbre de Siegfried
4. Amon Düül II - Kannan
5. Amon Düül II - Ghilom Luzifer de
6. Popol Vuh - Wehe Khorazin
7. Popol Vuh - Aguirre II
8. Tangerine Dream - Phaedra
9. Cluster - Fur Die Katz
10. Tangerine Dream - Fly et la collision de Cosmo Sola
11. CAN - Sky Mère
12. CAN - Vitamine C
13. Kraftwerk - Autobahn
14. Neu! - Hallogallo
15. Faust - Krautrock
16. Kraftwerk - Showroom Dummies
17. Kraftwerk - Compteur Geiger
18. Kraftwerk - Radioactivity
19. Harmonia - Watussi
20. David Bowie - Une nouvelle carrière dans une nouvelle ville

OUVRAGES À CONSULTER 

Notes, Bibliographie et Références :

Pascal Bussy, « The Can Book », Tago Mago (Paris), 1984. 

Pascal Bussy and Andy Hall, « The Can book », rev. & upd ed., SAF Publishing, 1989

Pascal Bussy and Mick Fish, « Future Days : The Can Story », SAF Publishing, 2008

Julian Cope, « Krautrocksampler », Head Heritage, 1995. www.headheritage.co.uk 

Julian Cope, « Krautrocksampler : Petit guide d'initiation à la grande kosmische musik ». Traduit par Olivier Berthe. Kargo & L'Éclat, 2005, 166 p. réédition à l'identique au format poche, L'Éclat, 2008

Eric Deshayes, « Au-delà du rock : la vague planante, électronique et expérimentale allemande des années soixante-dix », Le Mot et Le Reste, 2007. 

Didier Gonzalez, « L'histoire mondiale du rock progressif », tome 7 : l'école allemande, 1969–1978. Didier Gonzalez (Bordeaux), 1996, 152 p. (épuisé). 

Frédéric Ponthieux, « Étude des rapports d'influences entre l'école répétitive américaine et les groupes de la pop music allemande dans la période 1974–1977 ». Mémoire de maîtrise en Musique, sous la direction de Jean-Marc Chouvel, Université Lille 3, 1996. 

Dominique Roux, « Klaus Schulze : Un saut dans l'inconnu », Textes et prétextes (Belgique), 2002, 156 p. (épuisé). Rééd. à l'identique chez Cosmic Cagibi, 2008. www.cosmiccagibi.org 

Nikolaos Kotsopoulos : « Krautrock : Cosmic Rock and Its Legacy », Black Dog Publishing, 2009

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire